Tous les dimanches à 14h00 dans la bibliothèque
municipale Y. Berednikov de Tikhvine se réunissent des personnes qui commencent
à apprendre le français et s'intéressent aussi à l'Histoire de France.
Les conférences en français et avec les inévitables explications en russe sont
données par Claude Doyennel, comme son nom l'indique, un Français dont la vie
est liée à la Russie depuis de nombreuses années maintenant. Les Français
sont des invités fréquents à Tikhvine, et nous visitons également la France lors de
visites en retour.

Il y a même un dicton : "Aller de Tikhvine à Paris, c'est comme courir au
magasin". Mais ce n'est pas si souvent que vous rencontrez un étranger qui
vit en Russie depuis longtemps.
- Claude, qu’est-ce qui vous a conduit en Russie et, en particulier, à Tikhvine
? Quelle est votre mission ? Oh, mais c'est un interrogation pour moi aussi
sourit-il.
Si je vous raconte depuis le début : je suis originaire de Normandie, né dans
la ville de Deauville, pas très loin d'Hérouville, autre ville normande bien
connue à Tikhvine. J’ai commencé à travailler très tôt, en usine à l'âge de
quinze ans. Je ne suis donc pas un "
pur intellectuel". Par
la suite, Claude a reçu sa formation à Nanterre - Université de
Paris où il étudié le droit et sorti de ses murs en tant que diplômé. Ensuite,
il travailla dans le domaine des assurances.
J'assurais des entreprises industrielles, dit Claude et, parfois, certaines personnes s'étonnaient de mes connaissances
dans le fonctionnement des machines-outils...De par mes fonctions professionnelles,
j'ai beaucoup voyagé en France et en Europe, je connais nombre d'aéroports en France.
Quand il a pris sa retraite, il a décidé de visiter la Russie.
Au début, ce n'était qu'un voyage touristique à Saint-Pétersbourg.
A une certaine époque, dans le lycée 171, où l'on étudie le français dès les plus jeunes années, le professeur russe d'histoire
de France a brusquement démissionné.. La direction du gymnase entretient d'étrites relations avec le Consulat de France. Ils se sont rencontrés pour trouver
une solution et, je ne sais comment, le dit Consulat de France m’a contacté. Bien
que je sois pas professeur d'Histoire, je connais assez bien l'histoire mon
pays la France. On m'a demandé d'aider jusqu'à ce que la direction du gymnase
trouve un professeur. Cela devait se faire dans un délai de deux ou trois
semaines….
J'ai donc commencé à enseigner l'Histoire de France avec des lycéens
de terminale. Ils ont probablement apprécié que cet enseignement soit donné
par un Français car les « trois semaines » prévues se sont transformées en
trois ans !
J'ai pris l'habitude de vivre en Russie comme les Russes. Rechercher
un appartement, faire mes achats, etc.. Ce fut le commencement de mon aventure russe.
La deuxième étape de « l'aventure russe » de Claude peut aussi être qualifiée
d'étape "muséale". Connaissez-vous le Russe Boris Vildé ? "
Борис Вильде"
me demanda t’il. J'ai un peu honte, mais je peux me souvenir que Boris Vildé
est un héros national en France. D’origine russe, il est mort en tant que
Français, fusillé, pendant la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement, c'est
tout.\br| - Boris Vildé a été le premier à organiser un groupe clandestin de résistance
au nazisme en France.
- Claude m'éclaire ! Le nom du journal qu'il publia,
RESISTANCE, deviendra plus tard un symbole de la Résistance. Lui et ses camarades
ont été exécutés par les nazis. Dans leurs derniers instants, ils se sont
comportés avec un rare courage ...
Savez-vous qu'il était russe ? Incroyable
! Claude m'étourdit.
Il est né en Russie, à Saint-Pétersbourg. Ses années
d'enfance se sont passées dans le village de Yastrebino, district de Volossovo.
Dans ce village, il y a maintenant un Musée Boris Vildé.
Je l'ai découvert
par hasard. C'est un petit musée, il est peu financé tel que ses employés bénévoles ne
pourraient voyager à travers le monde. De nombreux documents intéressants
et archives s’y trouvent. Je me suis donc porté volontaire pour aider ce musée.
Boris Vildé a longtemps vécu en Estonie, il a étudié à l'Université de Tartu
et les Estoniens le considèrent comme leur compatriote.
C’est ainsi que, lors d'une rencontre en France avec un important homme politique estonien, celui-ci a déclaré jour : "Souvenez-vous que votre héros national Boris Vildé
est en fait un Estonien" Or, Boris Vildé, qui a vécu en Estonie, n’a jamais reçu la nationalité estonienne.
Je suis donc allé en Estonie en recherche dans les archives de Tartu, ville
universitaire, et j'y ai trouvé des preuves irréfutables : une lettre écrite
de sa propre main par Boris Vilde au ministre de l'Éducation d'Estonie et
dans laquelle il demande l'autorisation d'étudier à l'Université de Tartu
indiquant «
bien que je ne sois pas estonien ».
En Estonie, à Tartu, j'ai eu accès à ne nombreux autres documents. De même en France.
La sépulture du père de Boris Vildé se trouve à Yastrebino et celle de sa mère à Riga. Ce travail de recherches a duré cinq ans. Alors,
tout à fait par hasard, je suis devenu un des spécialistes du résistant Boris Vildé.
Maintenant, un site Web qui lui est dédié a été créé. Les documents sont
présentés en trois langues : russe, français et estonien.
Je suis devenu
membre du Comité qui dirige le Musée Boris Vildé à Yastrebino. Probablement
le seul Français dans cette situation en Russie.
- Mais comment vous êtes-vous retrouvé à Tikhvine ?
– Une amie, Oksana, vit à Erouville-Saint-Claire en Normandie. Elle
m'a conseillé de venir à Tikhvine, une petite ville aussi intéressante que
Saint-Pétersbourg. Beaucoup de personnes de Tikhvine s'intéressent à la France,
sa langue, son histoire et sa culture. J'ai pensé - pourquoi pas ?
Tout s'est décidé très simplement. Le dimanche je donne des cours d'histoire
de France à la bibliothèque, la cinquième salle est pleine. Viennent les personnes
qui débutent dans l’apprentissage de la langue française.
Je veux savoir quelque
chose de nouveau et lui demande : « Vous ne vous ennuyez pas ?
- Oh non! Je suis bien occupé. Je me promène, je parle avec les gens de Tikhvine, etc...
Mon visa se terminera le 8 mars et, pour le prolonger, je n'aurai pas à retourner en France. Il me suffit de me rendre au Consulat de Narva en Estonie.
(extraits de l’article publié dans DIVIA 16 février 2012).