Le "Temps des troubles" est marqué
par :
1) l'anarchie politique,
2) les révoltes paysannes,
3) l'invasion polonaise et suédoise.
L'anarchie politique
En 158A, à l'âge de cinquante-trois ans, meurt Ivan le Terrible. Il laisse deux fils : Fedor, qui a vingt-sept ans, et Omitrij, qui a deux ans. Fëdor est faible d'esprit et de caractère et ne peut pas gouverner. Néanmoins il monte sur le trône. Malgré son incapacité à gouverner, il devient tsar parce que l'autorité du pouvoir tsariste héréditaire est déjà sacrée et incontestable. L'entourage de Fëdor élit quatre régents.
Les passions politiques s'affrontent de nouveau. Les petits princes et les bojare recommencent leur lutte. Très vite, Boris Godounov, un des régents, beau-frère du tsar Fëdor, fait reculer ses rivaux. Fëdor ne gouverne guère. C'est en réalité Boris Godounov qui gouverne en son nom. Qui est Boris ?
C'est un bojarin dont un des ancêtres est venu de la Horde d'Or à Moscou pour servir un prince moscovite dans la première moitié du XIVe siècle. Les petits princes et les bojare d'origine russe et des meilleures familles le considèrent comme un parvenu.
C'est pour cela que Boris Godounov se trouve entouré d'ennemis. Ceux-ci revendiquent leur place auprès de Fëdor en tant que représentants de l'aristocratie princière. Pour renverser Godounov, les princes Sujskij, de concert avec le métropolite Dionys, projettent de forcer le tsar à répudier sa femme, soeur de Godounov, sous prétexte qu'elle est stérile. Mais Boris Godounov est informé de ces intrigues. Dionys est destitué et les princes sujskij exilés dans les régions lointaines. Les autres rivaux, vu l'exemple des Sujskij, laissent Boris Godounov devenir maître. Sa situation de fait est officiellement reconnue quand il obtient le titre de "grand régent", avec le droit de recevoir les ambassadeurs et de diriger les relations diplomatiques.
Pendant près de dix ans il gouverne la Russie en réparant dans la mesure du possible les effets de l'Opricnina et en cherchant à s'assurer des appuis solides contre ses rivaux politiques. En 1589-1591, il obtient notamment, très adroitement, que le patriarche oecuménique consente à la création d'un patriarcat en Russie. Il fait élever à cette dignité son candidat, Jov (au lieu de Dionys, exilé dans un monastère de Novgorod). Désormais, il peut compter sur l’appui puissant du chef de l’Eglise.
En 1597, en répondant aux voeux des propriétaires fonciers, Godounov signe un ukaz selon lequel, pendant un délai de cinq ans, le paysan fuyard pourra être ramené de force chez son maître. Des ukaz ultérieurs défendent aux grands propriétaires d'attirer chez eux les paysans des petits propriétaires. Toutes ces mesures prouvent sa sollicitude pour les intérêts de la petite et de la moyenne noblesse de service qui pourra lui être utile en cas de conflit avec la haute aristocratie toujours hostile.
En 1598, le tsar Fëdor meurt. Le pouvoir passe à sa veuve, mais celle-ci abdique bientôt et se retire dans un couvent. Le grand problème du successeur se pose : Fëdor fut le dernier représentant de la dynastie de Rjurik.
Mais qu'est devenu le tsarevic Dmitrij ? Le tsarevic Dmitrij s'est tué, semble-t-il, en 1592, en s'amusant à lancer des couteaux dans le jardin du palais à Uglic où il vivait isolé avec sa mère. L'enquête officielle qui fut menée après sa mort a établi que, pris d'une crise d'épilepsie, il tomba sur un des couteaux. Personne ne pouvait témoigner avec exactitude de la façon dont il était mort car on l'avait laissé seul dans le jardin. L'affaire étant sombre, les bruits commencèrent à courir que les agents de Boris avaient tué le tsarevic.
Il fallait donc élire un nouveau tsar. Boris a le plus de chances, car il gouverne en fait depuis plus de dix ans. Il est appuyé par le patriarche, son obligé, et peut également compter sur l'appui de la noblesse de service. Mais la haute aristocratie se prononce contre lui et met en avant d'autres noms. Le rival le plus dangereux de Boris, le bojarin Fëdor Nikitic Romanov, très populaire à Moscou et neveu d'Anastasie, première femme d'Ivan IV. Le patriarche convoque le Zemskij Sobor et propose d'élire Boris tsar de Russie. Le clergé et la noblesse de service dominant dans l'Assemblée, les bojare ne peuvent leur résister et la couronne est offerte à Boris qui, après l'avoir refusée plusieurs fois, finit par l'accepter. Il se réfugia dans un couvent. Des membres du Zemskij Sobor vinrent le supplier de prendre la couronne ; il refusa. Les représentants multiplièrent leurs démarches. Il persista plusieurs jours à répondre par la négative. Puis la volonté de Dieu semblant bien disposée, il céda. Dieu seul désignait le tsar.
Devenu tsar, Boris continue son oeuvre gouvernementale. Mais, comme il sait que la noblesse ne se résignera jamais à son avènement (le peuple d'ailleurs est aussi méfiant), il se laisse gagner par l'angoisse et suit l'exemple d'Ivan IV. Moscou se remplit de ses espions. De fausses dénonciations sont suivies de châtiments implacables. Le concurrent de Boris pour le trône, Fëdor Nikitic Romanov, forcé de se faire moine sous le nom de Filaret, est exilé. Toute la famille des Romanov est exilée loin dans le Nord. Godounov sème une terreur qui rappelle l'opricnina. Sa politique ne fait qu'attiser la haine des bojare contre Boris. Beaucoup de faits laissent supposer que ce sont justement les bojare de Moscou, dirigés par les Romanov, qui préparèrent le chemin au premier imposteur, le prétendu Dimitrij.
En 1603, au château du prince polonais Adam Visnevecskij, à la frontière russe, tombe malade un jeune serviteur. Se croyant mourir, il avoue au prêtre qu'il est le fils d'Ivan IV, le prince Dmitrij. Il dit qu'à Uglic les assassins de Boris Godounov ont tué un autre enfant. Le prêtre raconte cette histoire au prince. Celui-ci, fort intéressé par l'occasion qui se présente, fait soigner le jeune serviteur. Quand il est guéri, Adam Visneveckij l'introduit dans le milieu de la noblesse polonaise et le présente au roi Sigizmund III. Bien que les nobles polonais doutent de son origine princière, ils décident de l'aider à renverser Godunov. Le faux Dmitrij, qui est en réalité un moine fuyard Grigorij Otrepev, vit dans la maison d'un parent du prince Adam Visnevesckij - Jurij Mnisek et y prépare le projet d'usurpation du pouvoir en Russie. En cas de réussite, Jurij Mnisek promet de lui donner en mariage sa fille Marina. Puisque le faux Dmitrij consent à se faire catholique, le Saint-Siège lui donne également son appui.
De son côté, le faux Dimitrij promet à Mnisek les villes de Novgorod et Pskov et des terres dans la région de Smolensk. Il promet à Sigizmund III Smolensk et une partie de la région de Seversk. Il lui promet aussi son aide pour obtenir la couronne de Suède où règne l'oncle de Sigizmund, Charles IX. Enfin, il promet aux jésuites l'union des deux églises orthodoxe et catholique.
Lorsque la nouvelle de l'apparition de Dmitrij parvient à Moscou, Boris Godounov s'en montre très affecté. Il déclare aux bojare : "C'est l'oeuvre de vos mains."
En automne 1604, le faux Dmitrij marche sur Moscou à la tête d'une armée qu'il vient de former. Battu non loin de Novgorod-Severskij, il s'enfuit à Putivl, abandonnant les débris de son armée. Son aventure paraît échouer quand les Cosaques de la région frontalière de Putivi et toutes sortes de vagabonds lui offrent leur aide. Avec ce renfort, le faux Dmitrij occupe la ville de Kromy. Là, ses troupes sont assiégées par l'armée de Boris Godounov. Le siège traîne en longueur car l'armée moscovite hésite à combattre un tsar qui pourrait un jour se révéler légitime. En avril 1605, le tsar Boris Godounov meurt subitement, peut-être empoisonné. Sa mort joue en faveur du faux Dimitrij puisque, privée du tsar en titre, l'armée qui assiège Kromy passe à l'imposteur. Celui-ci, rassuré et soutenu par l'armée, se dirige vers Moscou.
A Moscou, le fils de Boris Godounov, Fëdor, occupe le trône. Les bojare, apprenant le succès du faux Dmitrij à Kromy, soulèvent le peuple de Moscou contre Fédor Godounov, tsar illégitime. Il est tué.
En juin 1605, le faux Dmitrij arrive à Moscou et la noblesse le proclame tsar. De petite taille, il porte un chapeau très haut et se prend pour Alexandre le Grand. Mais à la différence de celui-ci, le petit Dmitrij reste au pouvoir à peine un an. Sa mégalomanie, le mépris profond qu'il éprouve pour les Russes, son indifférence pour les coutumes traditionnelles, tout cela confirme très vite les soupçons de ceux qui le considèrent comme un imposteur. Par ailleurs les nombreux Polonais arrivés avec lui se comportent en maîtres à Moscou et irritent la population par leur arrogance. Enfin, quand sa fiancée, Marina Mnisek, arrive à Moscou et s'installe, en attendant la célébration du mariage, dans un couvent où on organise des festins en son honneur, le scandale augmente. Il atteint son comble quand, après son mariage, Marina établit, dans le palais même, une chapelle desservie par des prêtres catholiques.
Profitant de la situation, le bojarin Vassilij Sujskij s'adresse au sentiment religieux et national du peuple pour l'inciter à détrôner l'imposteur. Il réussit organiser une révolte qui éclate en mai 1606. Le faux Dmitrij est tué, Marina et son père sont jetés en prison. Vassilij Sujskij fait rassembler la foule sur la Place Rouge qui le proclame tsar.
Les révoltes paysannes
L'avènement de Sujskij est marqué par l'entrée en lutte des masses populaires. En récompense de leur aide le faux Dmitrij avait exempté les habitants du Sud-Ouest des impôts. Il leur avait promis cette faveur pour dix ans. Vassilij Sujskij n'a pas, bien évidemment, tenu compte de ces promesses. C'est pourquoi, quand on fait courir le bruit que Dmitrij s'est sauvé de Moscou et s'apprête à reconquérir Moscou, les paysans et les holopy de cette région accueillent favorablement ce bruit et s'apprêtent à marcher sur Moscou. Ils prennent comme chef Ivan Bolotnikov, ancien kholop devenu cosaque. Bolotnikov a eu beaucoup d'aventures dans sa vie. Il vécut en captivité en Turquie, a séjourné en Pologne et à Venise.
Pendant que l'armée de Bolotnikov (de 60 00 à 187 000 insurgés) marche sur Moscou, les frères Ljapunov et d'autres propriétaires fonciers de la région de Rjazan organisent une révolte contre Sujskij et soulèvent la noblesse provinciale. Ils veulent d'abord agir de concert avec Bolotnikov et les deux armées se rencontrent devant Moscou. Le siège de Moscou dure cinq semaines. Pendant cette longue période se manifeste la divergence d'intérêts des deux armées. Bolotnikov, dans ses proclamations, incite les paysans et les kholopy à exterminer les bojare et les nobles. Cela ne plaît bien évidemment pas à Ljapunov. Ils trahissent Bolotnikov et font cause commune avec Sujskij. Bolotnikov recule jusqu'à Tula où, bientôt, les troupes de Sujskij l'obligent à capituler sans conditions. Exilé quelque part dans le Nord, Bolotnikov est mis à mort par les agents de Sujskij. Après lui avoir crevé les yeux, ils l’ont noyé.
Bientôt, à Starodub-Severskij, apparaît un nouvel imposteur qui prend aussi le nom de prince Dmitrij. D'origine inconnue, il ne ressemble en rien au premier imposteur; c'est un véritable bandit. Sous ses drapeaux, il rassemble les débris de l'armée de Bolotnikov, de nombreux insurgés du petit peuple, beaucoup de Cosaques, ainsi que des Lituaniens et des Polonais. Durant l'été de 1608, il s'avance jusqu'au village de Tusino, près de Moscou, où il établit un camp fortifié, occupe toutes les routes autour de Moscou et organise le blocus de la ville pendant que ses bandes pillent les environs. Le second Dmitrij est surnommé le Brigand de Tusino. Son camp est très mêlé. Il comprend tous ceux qui, quel que soit leur rang social, sont mécontents du gouvernement de Sujskij. On y trouve également Filaret (Fedor Romanov) qui, libéré par le premier imposteur se fait, à Tusino, élever au patriarcat. Le brigand de Tusino profite aussi du fait que Marina est tombée entre ses mains. Son père, auquel Sujskij avait rendu la liberté en échange de prisonniers russes, avait amené Marina à Tusino et l'avait vendue à l'imposteur. En reconnaissant que le Brigand de Tusino est bien son mari, Marina a confirmé la thèse de l'imposteur; c'est la preuve que c'est bien lui qui a régné déjà à Moscou et qui a été acclamé jadis comme le véritable Dimitrij.
Les razzias des bandits de Tusino deviennent intolérables à la population. Une de leurs bandes assiège, durant seize mois, le monastère de la Trinité-Saint-Serge qui, grâce à ses murailles, résiste vaillamment sans se rendre. Le tsar Vassilij Sujskij envoie une délégation négocier à Novgorod avec la Suède à laquelle il demande des secours. La Suède consent à fournir un détachement militaire mais se réserve le droit, pour payer ses services, de reprendre les villes d'Ivangorod, Jam, Koporle, Oresek et Korela. Les Suédois préparent leur intervention. Pendant ce temps, Sujskij reçoit un secours inespéré d'un autre côté, des habitants du Nord de la Russie. Pourquoi de ce côté-là spécialement ?
Sous Ivan IV, les Anglais avaient reçu d'importants privilèges du tsar et commencé à fréquenter la côte russe, pendant que les marchands russes rassemblaient à l'embouchure de la Dvina septentrionale les marchandises qu'ils faisaient venir de tous les coins du pays. Les transactions commerciales, très animées, avaient contribué au relèvement économique du Nord de la Russie et surtout des villes de Vologda, Ustjug, Holmogory et Arhangelsk. Lorsque les détachements de Tusino pénètrent dans cette région et essaient de confisquer les marchandises des négociants russes, ils rencontrent une résistance farouche et sont repoussés sans avoir pu atteindre leur but.
Grâce à la collaboration des habitants du Nord, le blocus de Moscou est levé ; l'imposteur s'enfuit de Tusino à Kaluga où il recrute de nouveaux partisans. Marina le suit à cheval, habillée en hussard, mais, arrêtée en route par l'ataman des cosaques Zaruckij, elle devient sa concubine.
L'invasion polonaise et suédoise
L'intervention de la Suède en Russie incite sa rivale, la Pologne, à l'imiter. Le roi de Pologne, Sigizmund, assiège Smolensk en automne 1609. C'est le signal de la débandade dans le camp du Brigand de Tusino repoussé vers Kaluga. Une partie des Polonais le quitte pour l'armée de Sigizmund. Les Russes, avec Filaret à leur tête, l'abandonnent pour offrir la couronne de Russie au fils de Sigizmund, le prince Ladislas, s'il accepte quelques conditions, notamment de ne pas toucher aux prérogatives de l'Eglise orthodoxe et de régner en plein accord avec la Douma des bojare et le Zemskij Sobor. Sigizmund et Ladislas acceptent ces conditions. Il reste à détrôner Vassilij Sujskij.
L'armée polonaise marche sur Moscou. Sujskij lui oppose son armée grossie du corps auxiliaire suédois mais n'arrive pas à vaincre les Polonais. Le détachement suédois se retire à Novgorod, l'armée de Sujskij est mise en déroute et l'armée polonaise s'approche de Moscou. Le Brigand de Tusino, quittant Kaluga, s'avance à son tour vers Moscou. A ce moment, à Moscou, les frères Ljapunov organisent une révolte contre Vassilij Sujskij. Celui-ci est détrôné en mai 1610 et obligé de se faire moine.
Le chef de l'armée polonaise accepte, au nom du roi Sigizmund, toutes les conditions de Filaret et des bojare moscovites et introduit une garnison polonaise au Kremlin. Les Polonais expulsent de Moscou le Brigand de Tusino, qui est assassiné peu après par un Tatar, et expédient Vassilij Sujskij en Pologne. Le trône de Russie passe au prince Ladislas.
Les Moscovites délèguent auprès de Sigizmund, qui est sous les murs de Smolensk, une ambassade dirigée par Filaret pour signer le traité conclu avec les Polonais à Moscou. Mais Sigizmund veut lui-même être élu tsar. Ne parvenant pas à contraindre les ambassadeurs à modifier le traité, il les fait arrêter et les envoie en Pologne comme prisonniers. Pendant ce temps, Moscou est gouvernée par le chef de la garnison polonaise et par un gouvernement de sept bojare (semibojarscina). Mais le traité n'étant pas signé, l'accord, avec Ladislas et les Polonais à Moscou, n'est pas valable. La Russie et la Pologne sont en guerre.
Devant le danger polonais, tous les partis et tous les groupes rivaux vont s'unir pour libérer Moscou et le territoire russe des envahisseurs. Mais l'union sera difficile et se fera très lentement. Il se forme une milice composée de nobles, de cosaques, de paysans et de khlopy. Au printemps de 1611, elle encercle Moscou. Pour éviter entre les alliés une rupture comme celle qui a jadis séparé Bolotnikov et Ljapunov, on charge un Zemskij Sobor de diriger la milice et l'on confie les fonctions exécutives à un triumvirat composé de Prokopij Ljapunov, Trubeckoj qui a servi à Tusino, et de l'ataman des cosaques Zaruckij. Malgré tout, les nobles et les cosaques se méfient les uns des autres. Les Polonais, assiégés dans le Kremlin, alimentent la discorde en répandant parmi les Russes de fausses lettres. L'assassinat de Ljapunov par les cosaques achève de ruiner l'entreprise en provoquant le départ des nobles.
Il semble que l'Etat moscovite soit perdu. Toute la population est entraînée dans une guerre civile. Les Polonais sont maîtres de Moscou ; les Suédois occupent la région de Novgorod; Sigizmund prend SmoLensk; les Anglais élaborent un plan d'occupation de toute la côte de l'océan glacial. Mais, au même moment le réveil national se manifeste à nouveau, plus fort que jamais.
Le monastère de la Trinité-Saint-Serge lance partout des appels exhortant le peuple à s'unir pour sauver la patrie. Les villes délibèrent et se mettent en rapports les unes avec les autres. Alors, le zemskij starosta (maire élu) de Niznij-Novgorod, Kozma Minin-Sukhoruk, prend en main la formation d'une nouvelle milice. Le commandement est offert au prince Dmitrij Pozarskij qui, dans son domaine, non loin de Nijni-Novgorod, se rétablit des blessures reçues sous Moscou en combattant dans l'armée de Ljapunov.
Au printemps de 1612, l'armée considérable de Pozarskij se met en marche sur Jaroslav' où elle fait halte assez longtemps. L'idée de Pozarskij est qu'il faut d'abord rétablir l'ordre dans le pays et qu'ensuite la libération de Moscou sera aisée. Un Zemskij Sobor réunit à Jaroslav les délégués de plusieurs villes et s'occupe de l'organisation intérieure de l'Etat. Pozarskij songe à procéder à l'élection d'un nouveau tsar à Jaroslav quand, informé qu'une nouvelle armée polonaise, sous les ordres de Hotkiewicz, s'avance sur Moscou, il décide de se hâter vers la capitale. A L'approche de son armée, des dissentiments éclatent parmi les cosaques restés devant Moscou depuis la dissolution de la première milice. En général, ils accueillent Jaozarskij avec méfiance et hostilité, car ils se souviennent de leurs conflits avec Ljapunov. Ils envoient même des assassins à Jaroslav pour tuer Pozarskij. Une partie d'entre eux, sous la direction de Zaruckij, quittent le camp de Moscou et s'en vont vers Astrakhan.
En août 1612, Pozarskij apparaît devant la ville et campe à distance des cosaques. La méfiance réciproque empêche les nobles et les cosaques d'agir de concert. A son tour, Hotkiewicz arrive. Une bataille s'engage entre les Polonais et le détachement envoyé à leur rencontre par Pozarskij. Comme les Cosaques n'interviennent pas, Abraham PaLicyn, cellérier du monastère de Trinité-Saint-Serge, leur adresse un discours enflammé. Ils se lancent alors dans le combat. Hotkiewicz, repoussé, doit renoncer à secourir les Polonais assiégés dans le Kremlin. Après ce succès, le siège est organisé par les nobles et les cosaques d'un commun accord. Les Polonais souffrent du manque de vivres. Leur résistance tire à sa fin. En octobre, ils capitulent.
Immédiatement, Pozarskij et Trubeckoj convoquent un Zemskij Sobor pour élire un nouveau tsar. Le Sobor, réuni à Moscou en janvier 1613, se trouve en présence de nombreux candidats. Il fixe alors des conditions préalables auxquelles les candidats doivent répondre, ce qui permettra d'en réduire le nombre. Il commence par rejeter toutes les candidatures étrangères (Ladislas, Philippe, prince de Suède et les princes tatars). Ensuite, il élimine les candidats compromis pendant la lutte des partis. Pour éviter de nouveaux troubles, on cherche une candidature acceptable à la fois pour le Sobor et pour les cosaques. C'est cette nécessité surtout qui assure le succès de Michel Fedorovic Romanov. Trop jeune pour avoir pris part aux troubles, il répond à la condition posée par le Zemskij Sobor ; mais parce qu'il est le fils de Fedor Nikitic Romanov, alias Filaret, sa candidature séduit les nobles et les cosaques : ceux-là apprécient sa parenté avec la dynastie de Rjurik (Ivan IV avait épousé Anastasie Romanov), et ceux-ci voient en lui surtout le fils du patriarche de Tusino.
Le 21 février (3 mars 1613), Michel Fedorovic Romanov est élu tsar. Cette élection met fin au Temps des Troubles.