HISTOIRE DE LA RUSSIE ET DE L’URSS

Tamara KONDRATIEVA - INSTITUT NATIONAL DES LANGUES ET CIVILISATIONS ORIENTALES

Accueil général I Introduction II Les sources III La Russie de Kiev IV La Russie de Kiev V Féodalités: tableau VI Avant la conquête mongole VII La conquête mongole VIII Formation de l'Etat russe IX A la fin du XVe siècle X Les réformes d'Ivan IV XI Le temps des troubles XII La réforme ecclésiastique XIII Au XVIIIe siècle XIV Pierre le Grand XV Industrie et commerce XVI Après Pierre le Grand XVII Sous Catherine II XVIII La transition XIX Mouvement révolutionnaire XX Crises et progrès-1 XXI Crises et progrès-2 XXII L'Etat et la Société XXIII Le phénomène stalinien XXIV Stalinisme et fascisme -

LES SOURCES

Les historiens possèdent les informations les plus diverses et les plus variées sur les premiers siècles de l'histoire russe. Pour les périodes les plus reculées, VI-VIIIe siècles, les sources les plus importantes sont de nature archéologique. Les sources écrites deviennent capitales quand elles se multiplient aux IXe et XIe siècles.

Les sources byzantines : Les rapports du patriarche Photius du IXe siècle, de l'empereur Constantin VII Porphyrogénète et de Léon le Diacre, datés du Xe siècle. Les sagas scandinaves et quelques rares chroniques occidentales. Les sources arabes sont les plus nombreuses. Citons à titre d'exemple, les récits d'Ibn-Hordabd, d'Ibn-FadIan, d'Ibn-Dasta (Ibn-Roust) et de Massoudi. Les documents officiels comme les traités avec les Grecs ou avec les villes scandinaves.

Toutes ces sources sont intéressantes mais ne représentent que des détails. La principale source de nos renseignements sur la première période de l'histoire russe qui constitue un ensemble et nous permet d'unifier et d'exploiter les données d'autres documents est la Chronique des temps passés (Povest' vremeny khlet). La Chronique présente un récit d'abord fragmentaire, remontant à la création du monde, puis de plus en plus conséquent, à mesure que l'on s'avance dans le temps, un récit sur trois siècles d'histoire - du milieu du IXe siècle jusqu'à la seconde décennie du XIIe siècle.

Jusqu'au milieu du siècle dernier, la critique supposait que ce document capital était tout entier l'oeuvre d'un seul auteur, le moine Nestor du monastère des Grottes à Kiev (le monastère de Kiev-Pecersk). En analysant de plus près ce document, on s'est aperçu, le savant linguiste Sakhmatov le premier, qu'il s'agissait d'un recueil des chroniques plus anciennes dont la Chronique kiévienne de Nestor ne représentait qu'une partie.

Il y avait trois rédactions de la Chronique : celle de Nestor vers 1113, une deuxième revue et complétée par Sylvestre, supérieur d'un monastère de Kiev en 1116, et une troisième faite également à Kiev en 1118. Ces trois rédactions du XIe siècle avaient comme source commune le Recueil initial (Nacal'nyj svod) du XIe siècle.

La première rédaction est perdue. La deuxième nous est parvenue copiée par "le méchant, indigne et grand pécheur moine Laurent, serviteur de Dieu". Ce moine travaillait sur commande d'un prince de Souzdal en 1377. Sa copie est la plus ancienne parmi celles, qui nous sont parvenues. Elle est plus utilisée aussi sous le nom de Lavrent'evskaja - la Chronique laurentine. La troisième rédaction nous est parvenue aussi en copie à la fin du XIVe siècle et porte le nom d'un monastère de Kostrama où elle a été trouvée - la Chronique bypatienne.

Vous pouvez lire la Chronique dans la traduction française faite en 1884 par Louis. Léger, professeur à l'Ecole des Langues orientales.

LES ORIGINES DES RUSSES ET DE LEUR PREMIER ETAT

A partir de leur centre originel, les Slaves ont progressivement peuplé les forêts du Haut-Dniepr et. de la Haute-Volga ainsi que les steppes de l'Ukraine autour du Dniepr moyen. Vers le Nord-Est, les Slaves se sont mélangés à des populations finnoises de faible densité qui peuplaient l'actuelle région moscovite et la Volga moyenne. Vers le Sud-Est, ils ont pénétré dans une région de passage, constamment parcourue d'Est en Ouest par des envahisseurs asiatiques.

La Chronique des temps passés fait allusion à 1'existence, entre la Baltique et la Mer Noire, de peuples slaves portant des noms très divers. Ces slaves se fixèrent aussi le long du Dniepr et s'appelèrent Polianes; d'autres Drevlianes - parcequ'ils habitaient au milieu de la forêt; d'autres encore se fixèrent entre le Pripiat et la Duna et s'appelèrent Drégovitches; d'autres encore se fixèrent le long de la Desna et s'appelèrent Polotchanes, d'après le nom d'une petite rivière qui se jette dans la Duna, la Polota. Et ces mêmes Slaves, qui se fixèrent autour du lac Limen, gardèrent leur propre nom de slaves et bâtirent une ville qu'ils appelèrent Novgorod. Et d'autres se fixèrent le long de la Desna, du Sem, de la Sula et s'appelèrent Severianes. Ainsi s'est répandu le peuple slave. Son écriture s'appelait "slave d'après son nom, voici ceux qui parlent le slave dans la RUS : les Polianes, Drevlianes, Novgorodiens, Polotchanes, Drégovitches, Severianes, Boujanes, nommés ainsi parce qu'ils étaient fixés le long du Boug et qui ensuite commenceront à s'appeler Volyniens."

Les noms des peuples slaves désignent des groupes de tribus à l’organisation patriarcale. Même au IXe siècle l’association familiale demeure la forme de vie dominante chez les slaves orientaux. En tout cas, seule cette forme est décrite avec netteté dans la Chronique : "vivant chacun avec sa famille et sur les lieux tenus par sa famille".

Mais ce ne pouvait plus être les sociétés primitives : le processus du peuplement a du les fractionner. L'organisation patriarcale, certainement, commence à se désagréger et donne naissance à des groupes de familles sans lien de parenté, constituant des communautés territoriales.

Au Nord et au centre, couverts de forêts, ces communautés représentaient des communautés autonomes pratiquement sans communication, ce qui était déterminé par les conditions naturelles. Les familles de la communauté se partageaient des lots de terres arables dans les clairières défrichées, forêts et pâturages restant domaine commun et formant de véritables zones de défense circulaires difficilement franchissables.

Vers le Sud, dans la steppe boisée, les facilités les plus grandes de communication et les menaces d'invasions des nomades rendirent précaires les autonomies, plus nécessaire la formation de vastes ensembles politiques : alliances de grandes familles puis confédérations de tribus.

Les communautés familiales, surtout au Sud, n'avaient plus rien d’égalitaires au IXe siècle. Déjà, des cités fortifiées entourées de palissades de bois apparaissaient comme les centres habituels de la puissance des princes (knjaz’).

Au début, les princes étaient des aînés de la famille et des chefs militaires, comme c'était le cas de Kij, fondateur de Kiev. La légende raconte que trois frères qui pratiquaient la chasse dans les forêts environnantes s'établirent sur la rive haute du Dniepr, sur trois collines voisines. Ils y bâtirent une ville qu'ils appelèrent Kiev, du nom du frère aîné Kij.

En cas de guerre, les princes recrutaient des hommes, constituant ainsi des détachements à leur service, des druzina qui prenaient un caractère permanent et renforçaient leur pouvoir dans les temps de paix. Une circonstance a favorisé particulièrement les princes et leur entourage : le progrès du commerce.
C'est que, installés sur le Dniepr, les Slaves orientaux se trouvent placés sur la voie commerciale dont les Grecs étaient les promoteurs. La multiplication des bourgs slaves le long du Dniepr est en rapport direct avec le développement des échanges. Le Dniepr et ses affluents deviennent vite de puissantes artères qui conduisent les Slaves vers les marchés scandinaves, caspiens et pontiques (ceux de la Mer Noire). Le commerce contribue à l'accumulation des richesses entre les mains des princes, des membres des druzina, des marchands, de tous ceux qui sont entraînés dans le commerce extérieur. Ainsi, vers le début du IXe siècle, nous pouvons observer chez les Slaves orientaux une différenciation sociale assez importante pour qu'on puisse imaginer qu’ils avaient besoin d'une organisation étatique.

Les grandes voies d'échange favorisaient non seulement le commerce, elles facilitaient aussi la pénétration d'éléments étrangers et d’influences politiques et religieuses. Ainsi entre les Ve et IXe siècles, les Slaves orientaux entretenaient des rapports suivis avec les Bulgares de la Volga et les Khazars qui connaissaient déjà des structures étatiques. Ils avaient également des rapports étroits avec l'Empire byzantin. Tous ces contacts avec des civilisations évoluées, le développement des échanges ainsi que l'amélioration des méthodes agricoles et artisanales ont dû pousser les tribus slaves à s'associer pour structurer la vie sociale selon un ordre que nous pouvons considérer comme un embryon d'Etat.

Au IXe siècle, le centre de cette formation était Kiev. Pendant deux siècles et demi, ce premier Etat russe développait son économie et ses échanges extérieurs, se dotait de cadres institutionnels et juridiques et étendait son rayonnement culturel. Le nom de Kiev retentissait dans toute l’Europe. Comme nous le savons, la formation de l'état se déroule lentement. C'est un long processus qui est à son tour l'aboutissement d'une longue évolution des sociétés primitives.

L’état kievien, quant à sa formation, a probablement suivi le même chemin que toutes autres sociétés primitives. Sa formation est probablement le résultat de transformations intérieures subies par les sociétés slaves. Je dis "probablement" parce que les origines des Russes et de leur premier Etat sont très obscures. Et cela à cause des Varègues, que l’on peut définir schématiquement comme le rameau oriental des envahisseurs vikings bien connus de l’Occident médiéval. (Varègue – ou scandinaves «varingr» qui signifie «allié», membre d’une association).

La Chronique des temps passés raconte comment vers le milieu du IXe siècle (862 selon la Chronique, 856 vraisemblablement) plusieurs cités du Nord, Novgorod, Beloozovo, Izborsk, après avoir refusé le tribut aux Varègues et chassé ceux-ci, sont tombées dans une véritable anarchie, se sont déchirées dans des luttes intestines et se sont définitivement résolues à solliciter l'intervention normande:

"Les Rous', les Tchoudes, les Slovènes, les Krivitches et les Vesses dirent aux Varègues : "Notre pays est grand et fertile, mais l'ordre n'y règne pas. Venez gouverner et régner sur nous". Et trois frères choisirent de venir avec leur clan. Le plus âgé, Kjurik, s'installa à Novgorod; le second, Sinéous, à Beloozero; le troisième, Trouver, à Izborsk. Au bout de deux ans, Sinéous et son frère moururent, et Kjurik assuma seul 1'autorité. Il attribua des villes à ses partisans, Polotsk à l'un, Kostov à un autre, et à un autre encore Beloozero. Dans ces villes il y a ainsi des colons varégues, mais les premiers habitants étaient à Novgorod des Slovènes, à Polotsk des Krivitches, à Beloozero des Vesses, à Rostov les Mériens, et à Mourom les Mouromiers (tribu finnoise)".

Tel fut "l'appel aux Varègues". On sait, toujours grâce à la Chronique, qu'en 862 un des compagnons de Rjurik, Oleg s’est emparé de Kiev où d'autres scandinaves étaient déjà installés. Rjurik, Oleg et son successeur Igor (9l3-945), tous les trois d’origine scandinave, apparaissent comme les fondateurs de l’Etat kievien.

Le récit de la Chronique soulève beaucoup de questions. Arrêtons-nous sur les trois suivantes:
1) Quelle est la composition ethnique des fondateurs ?
2) Quel est le sens à donner à "l'appel aux Varègues" ?
3) Quelle est l’origine du mot «rus » ?

1) La composition ethnique des fondateurs

La Chronique et plusieurs autres sources désignent les Russes comme fondateurs de l’Etat kievien. Donc notre question peut se ramener à une autre : Quelle réalité ethnique recouvre le mot "Rus"?

Sur ce point, les textes de la Chronique des temps passés sont contradictoires. L’un dit : la «Rus» fait partie des tribus qui négocient un accord avec les Varègues. L'autre dit : la "Rus" et les Varègues sont un même peuple, ils sont appelés par les tribus slaves pour gouverner. Un autre passage parle de l’expédition la "Rus" contre Constantinople, mais il est connu que les Scandinaves y participaient. Il y encore trois ou quatre passages dans la Chronique qui identifient les Russes aux Varégue. En même temps, la Chronique et quelques autres sources distinguent nettement les Russes et les Slaves.

En raison de ces contradictions, il reste difficile de dire qui se cache sous le nom de la «Rus ». Si l’on analyse les textes d’une façon, on peut répondre :des Slaves orientaux. Si on les analyse autrement, la réponse peut être :des Scandinaves, ou encore des Scandinaves vivant en pays slave ou étant au service des princes russes.

La meilleure solution serait d’admettre que le mot «Rus» recouvre une réalité ethnique complexe, un mélange fait de Scandinaves et de Slaves orientaux au cours du VIIIe siècle. Mais les sources si contradictoires et si peu nombreuses, ne permettent pas d’imposer cette solution avec toute la rigueur scientifique.

Un des plus éminents archéologues et historiens soviétiques, Tret'jakov, spécialiste de la question, avoue que le bilan général des tentatives pour établir qui étaient les anciens russes n'est pas convaincant.

2) La nature de "l'appel aux Varègues"

L'hypothèse la plus rudimentaire consiste à prendre le texte à la lettre, ce qui est dangereux. Il faut tenir compte des habitudes de style et de pensée de l'époque; tenir compte surtout de ce que le texte est rédigé quelques trois cents ans après les événements qu'il décrit. Le chroniqueur pouvait falsifier l'histoire en poursuivant un but particulier. Par exemple, comme le pense Sahmatov, il pouvait chercher à prouver l'origine étrangère de la dynastie régnante contre les prétentions de Byzance à l'hégémonie. Il pouvait chercher également à confirmer les droits de cette dynastie sur Kiev, droits si mal assurés après la révolte urbaine de 1113 dirigée contre le prince.

Une autre hypothèse est de ne voir dans cet appel que 1'intention des tribus slaves de prendre à leur compte des mercenaires, par exemple les Vikings, guerriers expérimentés, auraient pu être utilisés dans la lutte contre les Khazars qui levaient le tribut dans le Sud et menaçaient les voies commerciales en direction de Byzance.

3 ) L'origine du mot «Rus »

Selon certains, il vient du finnois "ruotsi" qui, à cette époque, désignait les Suédois ou de Roths/Ruths qui désignait un pays près du lac Ladoga, un pays qui sera appelé plus tard Roslagen. Pour d'autres Soviétiques surtout, le mot "Rus' " vient du nom d'une rivière de la zone boisée, non loin de Kiev : «Ros». D'autres encore, notamment Vernadsky, lui voient comme origine le mot "roukhs" qui appartient au vieux fond indo-européen et signifie en alain "lumière rayonnante".

Toutes les contradictions que je vous ai signalées nourrissent plus ou moins, dans la même mesure,1'argumentation de deux écoles qui s'affrontent.

L'école des normanistes est pour la prépondérance, ou même l'exclusive présence, de l'élément Scandinave (ou normand) dans les débuts de l'Etat de Kiev. La thèse normaniste a été avancée par des savants allemands du XVIIIe siécle (Bayer, Miller, Schleicher) et soutenue par des historiens russes au XIXe siècle. Elle trouva sa pleine expression dans les travaux du Danois Thomsen en 1877. Jusqu'à nos jours, ce sont surtout des historiens allemands et scandinaves qui la soutiennent. Mais il y a aussi des normanistes russes. Le normanisme est toujours important en Occident et, semble-t-il, exerce même un léger attrait sur quelques chercheurs soviétiques.

L’école des anti-normanistes est pour la prépondérance de l’élément slave ou sa seule participation au processus de la formation de l’Etat kievien. L’école des anti-normanistes compte parmi ses adeptes le savant du XVIIIe siècle, Lomonossv, des historiens du XIXe siècle et les historiens soviétiques.

Le credo normaniste : l'Etat de Kiev a été fondé par des Varègues qui auraient même donné leur nom au pays où ils s'installaient au temps de la grande expansion des Vikings. Le credo normaniste se fonde sur les arguments suivants :
- le mot "Rus' " vient de "ruotsi";
-Rjurik, Oleg (Helgi), Igor (Ingvar) tous noms scandinaves, doivent être considérés comme les fondateurs de l'Etat kievien;
- les négociateurs des traités de 911 et 945 avec Byzance sont des Scandinaves;
- les rapides du Dniepr portaient des noms scandinaves;
- les termes scandinaves entrés dans la langue russe sont des termes d'administration princière comme, par exemple «grid» (garde du corps), «tiun » (intendant) et «jabetnik » (agent). Le mot knout est également d'origine scandinave.

Les Soviétiques combattent avec vigueur ces bases du credo normaniste. Pour eux, le processus de formation de l'ancien Etat russe est le résultat, non de l'action des Varègues, mais de la genèse du féodalisme chez les slaves orientaux.

Les Soviétiques fondent leur thèse sur les arguments suivants :
- le mot "Rus" vient du nom de la rivière Ros;
- à partir du VIe siècle, les prémisses d'un Etat slave se font jour et l'Etat est constitué avant 1'arrivée des Varègues. L'appel aux Varègues et la prise de Kiev par Oleg sont des événements importants dans la vie de l’ancien Etat russe, mais ne sont pas sa fondation, Les propos de la Chronique ne doivent, pas être pris à la lettre;
- les Varègues constituaient une minorité militaire qui vivait en marge des villes, dans des camps à l'écart. La masse du peuple était formée de Slaves;
- il est entré relativement peu de mots scandinaves dans la langue russe. Les Scandinaves se sont vite assimilés aux Slaves.

Quand on étudie la thèse anti-normaniste, on comprend que son ton et beaucoup de ses affirmations sont dues à la réaction contre la fâcheuse tendance, encore toute récente, d'historiens allemands à voir dans les Slaves des peuples arriérés ou inférieurs, incapables de fonder un Etat.

L'honneur national des Français ne souffre point de ce que leur nom dérive du nom d'une tribu germanique, de même que, par exemples, les Bulgares ne sont point offensés par la provenance de leur nom national de l'appellation d'une horde nomade turco-bulgare. Les Russes, en revanche, souffrent car depuis le XVIIle siècle, ils se sentent, constamment attaqués par les normanistes. En réponse à ces attaques réelles ou imaginaires, les Russes manifestent un besoin d'idéaliser leur passé en défendant par tous les moyens leur prestige national.

La querelle, je ne trouve pas d'autres mots, entre les deux écoles, va durer, semble-t-il, encore longtemps, au moins jusqu'à ce que disparaissent les passions nationalistes.

Les documents historiques ne permettent pas de trancher définitivement le débat. Mais plusieurs historiens, pensent qu’il faut concilier les deux thèses. Il est certain qu'avant l'arrivée des Varègues, la vie politique des sociétés slaves tendait à se polariser autour de cités commerçantes telles que Novgorod, Smolensk, Kiev. C'est de ce côté qu'on voit les premiers éléments, encore embryonnaires d'un Etat : pouvoir central, force armée, contributions. En conquérant le pays, les Varègues n'ont pas modifié profondément la structure de la vie politique et sociale. Mais cela ne diminue pas l'importance de leur apport. Si peu nombreux qu'ils aient été par rapport aux Slaves, ils n'en ont pas moins été un élément dynamique, facteur de progrès. De plus, et c'est là l'importance primordiale de leur rôle, les Varègues ont, par leurs entreprises guerrières, établi des rapports étroits entre l'Empire byzantin et les Slaves. L'Etat kievien représente une force militaire très frustre. La civilisation lui vient plutôt de Byzance que des Vikings guerriers.