A la recherche de la Loubianka
Donc, en ce mois de novembre 1988, je recherchais la célèbre place Loubianka,
siège du KGB (aujourd’hui FSB), célèbre également par la terreur qu’elle
inspirait en raison des crimes, assassinats et tortures commis ici, à l'intérieur
de cet immeuble au nom de la « raison d’Etat » J’étais transi
de froid, la chapka, que j'avais achetée dans le magasin GOUM, m’était
d’un précieux secours mais, pour le restant, j’avais grandement
sous-estimé mes équipements vestimentaires. Outre cela, mon appareil photo
se révélait totalement inopérant en raison du grand froid.
Enfin je trouvai cette place Loubianka. De forme circulaire, elle est occupée sur un sixième de sa circonférence par l’immense immeuble brun et noir du KGB. Devant l'immeuble, l’imposante statue de Félix Dzerjinski, cofondateur en 1917 de cette institution policière alors nommée TCHEKA. La nuit se faisait plus sombre et le froid plus prégnant. Il fallait donc songer à regagner mon logis. Quand, soudain, portant mon regard sur cette immense place circulaire, je fus pris d’inquiétude: huit avenues débouchaient de cette place… Par quelle avenue suis-je donc arrivé ? Et par quelle avenue rejoindre mon logis ?
Inquiétude grandissanteEst-ce l’ombre de Félix Dzerjinski qui continuerait à planer ici ? Est-ce la typique architecture soviétique qui caractérise particulièrement cet endroit ? Sont-ce les âmes des suppliciés qui viennent ici importuner les passants en réclamant justice ? Le fait est qu'on ne s’attarde pas sur la Loubianka. Emmitouflés dans leurs épais vêtements, courbés sous les rafales de neige, des ombres passent rapidement devant moi. A peine ai-je commencé à formuler ma question que mes paroles se perdent dans le vide, l’ombre à laquelle je me suis adressé s’est déjà évanouie dans la nuit glaciale.
Une procession d’ombres sur un ciel noir
Ne sachant plus à quel saint me vouer, je me remémorais le célèbre poème
de Victor Hugo :
“C’était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d’ombres sur le ciel noir.
La solitude vaste épouvantable à voir, Partout apparaissait,
muette vengeresse.” (1)
L’impressionnante statue de Dzerjinsky, (2) posée sur un énorme socle
de plusieurs mètres de hauteur, restait stoïque... En telle compagnie, on
a rarement l’intention de passer la nuit. D’autant plus que
la perspective de me retrouver raide mort congelé au petit matin au pied
du tyran me paraissait peu enthousiasmante…
La sortie du tunnel
Ouf ! j’étais sauvé. Ce quartier me paraissait familier, j’avais
donc trouvé la bonne direction conduisant à mon domicile. Je pressais le
pas. Encore quelques centaines de mètres et je serai enfin au chaud chez
moi. Il faut avoir subi de tels désagréments pour apprécier l’immense
plaisir de retrouver son lit dans une chambre surchauffée.
(1) Les Châtiments - Texte complet
(2) Aussi incroyable que cela puisse paraître, une association religieuse orthodoxe de Moscou a pu organiser récemment une pétition, ayant recueilli des milliers de signatures, réclamant l’organisation d’un référendum pour la réinstallation d’un monument souvenir à Dzerjinski sur la place de la Loubianka. Réinstaller la statue du tyran Dzerjinski