Le premier pont métallique, construit en 1850, est impressionnant par sa longueur ainsi que par la largeur de son tablier. Construit de fonte et d'acier, chaque jour des milliers d’automobiles, camions ainsi qu'une ligne de tramways l'empruntent. Plus impressionnant encore, afin de permettre le passage des navires remontant vers l’intérieur des terres, ce tablier s’ouvre en deux parties qui, telles des mains géantes s’élancent verticalement vers le ciel. On a nommé cette merveille « Pont de l’Annonciation ». C’est en référence à l’histoire d’une jeune femme qui apprit un jour, par l’intermédiaire d’un ange, quelle était enceinte. La pauvrette ne s’en était pas aperçu ! Apprenant cette nouvelle, son charpentier de mari, en laissa tomber son rabot. Il s’exclama : mais de qui donc est cet enfant ? Justement, là est le grand problème répondit-elle…La rumeur dit qu’une terrible scène de ménage s’ensuivit, ce que les annales du Nouveau Testament ont confirmé dans le chapitre intitulé « La Cène ».
Pendant ce temps, l’ange dénommé Gabriel – ou Gabrièle, car l’on ne sut jamais s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon - sans plus se préoccuper des conséquences de son « annonciation », suspendu à ses ailes blanches, voletant et virevoltant, s’en retourna dans les cieux pour rendre compte de sa mission auprès de l’expéditeur de l’annonce. Revenons donc à nos ponts. Donc, après 150 ans de service, le pont de l’Annonciation était tellement fatigué qu’il fallut se résoudre à le déconstruire. Puis à le reconstruire. Mais comment faire quand le quart de la circulation de la ville passe quotidiennement sur ce pont ? Aux grands besoins les grands moyens. Avant démolition de l'ancien pont, on donc a construit à proximité un nouveau pont provisoire de mêmes dimensions. Cette solution permit donc de dévier la circulation pendant la desconstruction du pont.
Travail titanesque. Au milieu du fleuve, sur des barges flottantes, ont été installée cinq grues géantes, des monstres articulés comme jamais on n’avait vus. Dans le lit du fleuve, d’énormes pieux en acier ont été enfoncés. Ils sont destinés à supporter le nouveau pont. Enfin, pour empêcher la paralysie du chantier par les glaces, de petits bateaux brise-glace tournent jour et nuit autour des grues flottantes. Par grand froid, lorsque tout est blanc de givre, pour peu que la brume s’invite sur le site, un irréel spectacle s’offre au regard.
Saint-Pétersbourg le 23/12/2005
NB : En 1918, on avait débaptisé le pont de l’Annonciation pour le nommer « Pont du Lieutenant Schmidt » du nom d’un officier de marine ayant participé à la révolution avortée de 1905. Pour lui retirer l’envie de recommencer, il a été fusillé. Lorsque le vieux pont sera reconstruit, la rumeur prétend qu’il retrouvera son nom d’origine «Pont de l’Annonciation». Et moi je vous prédis que l’ange Gabriel s’y invitera à tire d’aile. Si ce n’est lui, ce sera donc sa sœur.….