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    "Je l'écris moi-même, je le révise moi-même, je le censure moi-même, je le publie moi-même, je le distribue moi-même et je suis emprisonné pour cela moi-même" (Vladimir Boukovski).

    Vingt ans seulement que l'on n'utilise plus ici ce procédé permettant de contourner la censure qui sourdait dans tous les coins et recoins, surveillante et étouffante - partout où les hommes et femmes désiraient s'exprimer.

    Vingt ans déjà que les samizdats sont tombés en désuétude, du fait de la perestroïka mais aussi depuis la déferlante internet. De Vladivostok à Berlin-Est, le système communiste avait colonisé 90% du continent européen. C'était hier.

    A cette époque, le photocopieur était considéré par les autorités comme un appareil diabolique. Pour l'acquérir, il fallait constituer un volumineux dossier justifiant de raisons professionnelles impératives. Cette première étape franchie, l'appareil devait être en permanence isolé dans une pièce cadenassée et spécialement destinée à cet effet et sous la surveillance permanente d'un gardien. Les feuilles de papier comptabilisées, les textes controlés et censurés avant et après utilisation de l'appareil. En outre, s'agissant d'un matériel d'importation, inutile de préciser le nombre d'obstacles et de suspicions à surmonter. Véritable parcour du combattant qui pouvait, en ces temps difficiles, (1) se terminer en Sibérie après un bref passage dans les géôles de la Loubianka.

    Le procédé Samizdat:

    Signification du mot: "édition par soi-même". Les moyens: du papier carbonne, de fines feuilles de papier, une machine à écrire mécanique. Les raisons: publication de littérature non officielle, textes politiques hors normes, contestation de la société, contournement de la censure du régime policier soviétique. (2) On n'avait pu interdire ou confisquer toutes les machines à écrire. Aussi, celles-ci eurent-elles une longue vie, allant jusqu'à suciter d'incroyables prouesses des bricoleurs pour maintenir en état de fonctionnement d'antiques Remington déjà fabriquées sous Nicolas II.

    Suivant la qualité de la bécane, celle du papier et des carbonnes, on pouvait alors frapper de 4 à 8 feuillets de ces textes contestataires destinés à être diffusés sous le manteau puis à être reproduits à leur tour avec le même procédé. 7 feuilles diffusées pouvaient aussitôt être reproduites à 49 exemplaires, ces 49 exemplaires se démultipliant à leur tour en 2401. Simple procédé mathématique, le Samizdat "au carré" ou à la puissance 2.

    Ces hommes et femmes, jeunes pour la plupart et non pervertis par l'idéologie soviétique chère alors à Georges Marchais, n'étaient pas encore désignés sous le terme "blogueur", mais ces esprits contestataires d'alors en étaient assurément les précurseurs. Ils étaient peu nombreux et refusaient de s'aligner sur la "norme". Contre la lourde bureaucratie communiste, ils le firent au péril de leur propre liberté et parfois de leur vie. Ils ont su maintenir la petite flamme de la liberté d'expression. Sans eux, ce système totalitaire ne se serait pas effondré comme un chateau de cartes (3).

    Le droit d'avoir une opinion et la possibilité de l'exprimer librement est un trésor qui nous est donné par la démocratie. Raison suffisante pour le conserver et le fortifier. Ici comme partout lleurs. Quant à ceux qui préférèrent se taire en s'alignant sur le pouvoir en place...

    (1) En ces temps pas si lointains où les communistes français, pour les qualifier, utilisaient un célèbre et néanmoins irresponsable euphémisme "bilan globalement positif".

    (2) "Toute cette technique perfectionnée de détention et d'étouffement de la personnalité, tous ces cercles de l'enfer à travers lesquels sont passés en Russie, pendant les années de pouvoir soviétique, plus de gens peut-être que sur toute la Terre depuis les débuts de l'Histoire". (Oleg Volkov - Les Ténèbres - Editions JC Lattès - 1991)

    (3) Sans toutefois oublier de rappeler que les premiers à faire plier le joug colonial soviétique furent les courageux syndicalistes de Solidarnoc en Pologne.