Je commençais à sommeiller quand
soudain, sous ma fenêtre, retentit le bruit familier de tôles
froissées de voitures entrées en collision. Si l’évènement
paraît comme banal, la plupart du temps il prend ici une dimension surréaliste
car, tout choc entre véhicules automobiles, même sans gravité,
nécessite l’intervention d’une équipe de policiers
spécialisés chargés de constater les circonstances de l’accident
et de relever le détail des dommages. Le délai d’intervention de ces
policiers se situe entre une et deux
heures après le choc. Entre temps, les automobilistes concernés,
même si les conséquences de la collision sont anodines, doivent
rester sur place et laisser leurs véhicules immobilisés sur la
chaussée, empêchant parfois la circulation dans les deux sens,
ce qui ne manque pas de provoquer d’énormes bouchons dans le quartier.
Lorsque des tramways circulent également sur cette chaussée, ce sont alors des dizaines de trams qui se trouvent immobilisés
avec, à l’intérieur, des centaines de passagers. Tout cela
pour une aile froissée ! Transposez cela sur Rouen ou Caen où
l’on vient de mettre en circulation un nouveau tramway, vous imaginez
l’énervement des citadins. Ici, on ne connait pas ce genre de stress
car les conducteurs des tramways, les passagers, les automobilistes, les badauds,
se réunissent sur le lieu de l’accident et papotent longuement
et tranquillement, indifférents aux monstrueux bouchons qui paralysent
la ville. Pendant ce temps, j’observe. C’est
ainsi que j’ai imaginé un nouveau système qui permettrait
d’éviter l’intervention des policiers spécialisés
et, par voie de conséquence, libèrerait rapidement la chaussée
des véhicules accidentés.
Une invention
Avant de la faire breveter, voici mon
invention. Comme l’œuf de Christophe Colomb, et comme les «gouttières
non effondrables», il suffisait d’y penser. A l’usage des
automobilistes, j’ai donc conçu un document simplifié destiné
à «constater» les conséquences de rencontres accidentelles
entre deux ou plusieurs véhicules. Ce document, toujours présent
dans les boites à gants des véhicules, serait constitué
de deux feuilles identiques – le premier autocopiant - et comporterait
les emplacements nécessaires pour noter les identités des mis
en cause, les références des assurances éventuelles ainsi
que les circonstances de l’accident (par exemple : «heurtait l’arrière
du véhicule précédent» ou «venait de droite dans un carrefour»
ou «véhicule quittant un stationnement»). En résumé,
ce document serait une sorte «constatation amiable».
Saint-Pétersbourg . Novembre 2002