Liée à un conflit international (guerre de Crimée, 1853-1856), cette crise apparaît comme une circonstance, d'importance majeure certes, mais de caractère contingent. En effet, ce n'était qu'une occasion qui a accéléré le dénouement et a renforcé les effets du profond malaise qui couvait en Russie depuis des dizaines d'années : le malaise du servage.
La guerre de Crimée était un accident absurde, une péripétie dépourvue de raison de la «Questiond Orient". Certains ont même pu dire que nul n'en savait les causes. Thiers écrivait que c'était une guerre destinée à procurer la clef d'une grotte à quelques malheureux moines. Mais si les causes du conflit peuvent paraître douteuses, par contre, ses conséquences en Russie sont des plus manifestes.
Par l'effort militaire, moral et économique qu'elle exigeait du pays, la guerre a dévoilé les défauts du régime politique et a accentué les antagonismes sociaux. La défaite a ébranlé le système des rapports sociaux maintenus par la routine de la vie quotidienne; elle a donné un élan accru au mouvement revendicatif de la paysannerie.
Les réflexions provoquées dans la société russe par les échecs faisaient mieux discerner leur cause fondamentale : le servage et la situation des paysans. Les troubles paysans qui se rependaient dans les campagnes faisaient craindre que la crise politique ne fut absorbée par une révolte comme celle que la Russie avait vécue à la fin du XVIIIe siècle. Les hommes au pouvoir craignaient une nouvelle pugacevscina.
La crise sociale
Depuis des dizaines d'années, les rapports entre serfs et propriétaires ne cessaient de se détériorer. Ils en étaient arrivés au point où tout espoir d'arrangement apparaissait comme une illusion dangereuse. D'année en année, les troubles paysans s'intensifiaient. On en a signalé 141 de 1850 à 1854. L'ampleur et la durée de plusieurs d'entre eux les font apparaître comme de véritables insurrections. Ces troubles ont des causes diverses (les excès des propriétaires, les redevances, la misère croissante), mais la plupart était suscités par le désir des paysans de se libérer du servage.
Mais c'est pendant la campagne de Crimée, et surtout en 1854-1855, que les troubles paysans acquièrent une ampleur particulière : 474 soulèvements paysans sont enregistrés entre 1855 et 1861. En 1856, le mouvement paysan couvrait la majeure partie de la Russie d'Europe, créant une situation insurrectionnelle sans précédent depuis la révolte de Pugacev.
Les causes immédiates de ces troubles étaient des rumeurs selon lesquelles le tsar avait promis d'accorder la liberté aux serfs qui s'inscriraient dans les milices populaires. Les fausses rumeurs faisant tâches d'huile, ça et là, les troubles tournaient à l'émeute. L'état d'esprit des paysans semait la peur parmi les propriétaires. Le gouvernement a dû faire intervenir d'importantes forces armées, prélevées sur l'armée régulière.
La situation était critique. Aucun homme d'Etat tant soit peu conscient des réalités, ne pouvait s'empêcher de la voir. C'est cette situation dangereuse pour le pouvoir qui inspira le discours fameux qu'Alexandre II prononça devant la noblesse de Moscou le 30 mars 1856 : "Mieux vaut abolir le servage d'en haut, que de le voir s'abolir lui-même d'en bas." Le dernier recours qui s'offrait pour éviter l'effondrement du régime était, en effet, l'affranchissement des serfs.
La crise économique
La capacité d'absorption des produits agricoles augmente lentement. D'un côté, la population urbaine, quoiqu'en progression évidente, représente toujours pas un élément notable sur le plan démographique. La cause en est surtout le servage qui lie les paysans aux domaines et pose des obstacles majeurs au mouvement des habitants des campagnes vers les villes. Un excédent relatif de main d'oeuvre dans le Nord et le centre au sol argileux, tandis qu'il en manque dans le Sud et le Sud-Est aux terres fertiles. L'extension du travail salarié agricole se trouve ainsi entravée dans les régions où il y a précisément une main d'oeuvre excédentaire. En revanche, dans les régions du Sud et du Sud-Est, où la main d'oeuvre vient à manquer, toutes les conditions existent pour l'emploi du salariat agricole. Le servage entrave le mouvement normal de migration de paysans vers le sud, sans lequel le développement économique de ces régions est impossible. Le principal conflit tient entre le servage qui lie le serf à la terre, et la liberté de mouvement des paysans, nécessaire au développement économique.
D’un autre côté, le développement économique des villes, à l'exception de celles du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, est fort lent parce que le village russe n'est pas encore un marché d'envergure pour les produits fabriqués dans les centres urbains. Curieusement, c'est dans la campagne même que s'est surtout élargi le marché des céréales : dans les provinces de la zone artisanale du "necernozem". Les céréales produites sur place sont insuffisantes pour nourrir la population. Alors, on les achète chez les paysans du "cernozem".
La situation financière des exploitations est très mauvaise. Les dettes des propriétaires augmentent continuellement. La plus grande partie des terres et des serfs est hypothéquée. Le versement des intérêts de ces dettes pesait lourdement sur les exploitations seigneuriales. Il importait donc de se débarrasser des dettes, même au moyen de l'affranchissement des serfs.
Il est un autre facteur qui entrave l'accroissement de la production agricole : l'absence d'un réseau routier développé et praticable en toute saison, et l'instabilité relative des prix moyens des céréales rendent parfois l'exportation des produits agricoles désavantageuse pour les propriétaires des régions des terres fertiles.
Pareille situation ralentit l'intensification de l'économie rurale qui, en fait, ne progresse que très lentement. Certes, cela n'empêche pas certains propriétaires de tenter d'élever la productivité de leurs exploitations, et même d'y investir des capitaux mais ils ne réussissent pas mieux que les autres à écouler avantageusement, du fait de l'instabilité des prix, leurs produits, cela pendant plusieurs années de suite. Alors, ce sont eux qui se ruinent. Ceux qui ont pu éviter le pire reviennent aux anciennes méthodes agricoles.
Enfin, et surtout, les rapports juridiques et sociaux entre serfs et propriétaires ne laissent aucun espoir de rendre plus productive la main d'oeuvre serve. C'est une cause supplémentaire d'entrave à l'intensification de l'économie rurale.
Les effets des facteurs économiques
Dans les provinces de la zone "cernozem", où la terre était chère, où la terre seule valait plus que lorsqu'elle est peuplée de serfs, les nobles étaient conscients que leur intérêt, en tant que propriétaires, consistait à s'assurer le monopole de cette marchandise précieuse qu'est le "cernozem". Les pomesciki de ces régions convenaient qu'ils avaient tout à gagner à affranchir les serfs, et qu'ils seraient forts satisfaits de se libérer de leurs paysans à condition de conserver la propriété entière de la terre qui était aussi précieuse que l'or.
Dans les provinces du "necérnozem", où le pomescik apprécie les paysans et non la terre, comme source principale de ses revenus, la question du rachat personnel du serf s'imposait. Les pomesciki voulaient se préserver de la ruine. Estimant que cette solution consistait à obtenir des fonds liquides, ils en conclurent à la nécessité du rachat personnel du serf.
Enfin, dans les régions des steppes, il s'avérait avantageux, du fait du faible peuplement de ces régions, de laisser des lots aux paysans afin de les retenir sur les lieux.
L'agriculture de 1851-1913
La période 1831-1913 est une période de changements in portants dans l'agriculture russe. Il est indéniable que l'abolition du servage, malgré le souci manifeste des auteurs de la réforme de laisser les structures agraires aussi peu modifiées que possible, a entraîné la libération d'une partie des forces économiques et sociales de la campagne russe.
Les progrès de la commercialisation de l'agriculture s'accentuent. Les progrès techniques -jusqu'ici limités à une portion très étroite (socialement et géographiquement) se traduisent par une croissance de la productivité.
Les progrès agricoles.
Les principaux progrès agricoles consistent en :
1) diversification et spécialisation des cultures, c'est-à-dire de nouvelles cultures (pommes de terre, lin, betterave, tournesol, tabac, coton, l'élevage commercial intensif tourné vers l'industrie laitière ou l'élevage extensif pour la viande, la culture des plantes fourragères) apparaissent dans l'agriculture russe. Vers 1870, 97 % du sol cultivé est planté en céréales, les cultures commerciales et industrielles n'en occupant que 3 %. Donc, le progrès agricole suppose que l'agriculture russe se "décéréalise".
Après 1890,on observe un déclin de la superficie plantée en céréales. Mais alors que le déclin témoigne du progrès de l'élevage, des fourrages et des cultures spéciales, une crise aiguë du système triennal se fait sentir : l'adaptation aux nouvelles conditions de l'agriculture s'avère difficile.
Durant la première décennie du XXe siècle, la diversification et la spécialisation se ralentissent. Ainsi, c'est sur un fond de très grand immobilisme agricole que se développent les tentatives de diversification de l'agriculture. Par rapport aux expériences étrangères, cette diversification sera marquée, jusqu'à la fin du tsarisme, par son caractère partiel et hésitant.
2) Machinisme agricole. Les machines agricoles entrent de plus en plus largement en usage (charrues, batteuses, moissonneuses). On compte par dizaines de milliers leur production annuelle : 27 000 moissonneuses en 1895 et 75 000 charrues en 1894.
L'une des conséquences les plus importantes de l'apparition de la machine est l'affaiblissement qui en résulte du système des "prestations de travail" (système qui a remplacé l'ancienne barscina du servage). C'est très bien : la prestation du travail évolue vers le salariat agricole. Mais il serait inexact d'affirmer que la machine a envahi l'agriculture russe en général. Si la progression de l'utilisation de machines est si forte, c'est que le point de départ est extrêmement bas. Même en 1913, l'équipement de l'agriculture russe est à peine entré dans la voie de la modernisation. Pour une douzaine de millions de "feux" ruraux on compte 27 000 batteuses à vapeur, 811 000 machines à récolter, 6 millions de charrues en fer. L'emploi du matériel traditionnel en bois est encore très répandu : 3 millions de charrues en bois, 7,9 millions de "sokha" - outil plus primitif que les charrues en bois - 5,7 millions de herses en bois, etc. En fait, deux catégories sociales seulement ont accès à la machine : les propriétaires fonciers (nobles et bourgeois des villes) et les koulaks les plus riches.
Enfin, on constate un essor de la consommation d'engrais artificiels. De 80 000 tonnes en 1900, la consommation passe à près de 200 000 tonnes en 1912. Une petite industrie d'engrais artificiels est née. La progression est très forte, mais le retard à rattraper est gigantesque.
La commercialisation de l'agriculture
Les progrès de la technique agricole sont évidemment liés à la commercialisation croissante de l'agriculture qui est elle-même le résultat du développement du marché intérieur, de la croissance des villes et de l'industrie. On vend les céréales. Or, après 1900, tant sur le marché intérieur que sur le marché extérieur, la commercialisation agricole se diversifie, après avoir été longtemps axée sur les céréales (pommes de terre, coton, tabac).
Production et productivité agricoles
Pour la première fois après la réforme du servage, quelque chose bouge sur la terre russe, qui s'analyse autrement que comme une extension d'une agriculture archaïque, mais comme le passage à une agriculture intensive. Bien que cette révolution agricole soit plus faible et plus hésitante que celle qui a accompagné la révolution industrielle dans d'autres pays, elle n'en existe pas moins.
Les structures agraires et le développement
La réforme du servage avait été conçue de façon à mettre en place une structure agraire différant aussi peu que possible de l'ancienne structure. En rationnant la terre aux paysans et en les enserrant dans le cadre économico-administratif de la commune agraire, la Réforme maintient un trait essentiel de l'ancienne structure : la dépendance économique (et même en partie personnelle) du paysan à l'égard de l'ancien seigneur.
Ce que les auteurs de la Réforme voulaient est simple : opposer une agriculture seigneuriale à une agriculture paysanne indifférenciée, où chaque exploitation paysanne ressemble à une autre exploitation paysanne. En réalité, l'évolution de la campagne russe va singulièrement compliquer cette structure voulue par les réformateurs.
Toute prudente qu'elle ait été, la Réforme du servage a accru la liberté économique de la paysannerie. Cette liberté économique va libérer les forces centrifuges à la campagne et provoquer un processus de différenciation sociale. La différenciation sociale va avoir un double effet contradictoire sur l'économie seigneuriale : d'une part, elle va offrir des chances de survie à cette économie en augmentant son pouvoir de contrainte économique sur la partie pauvre de la paysannerie, d'autre part, - et c'est l'élément qui à terme, sera décisif - elle va miner les fondements économiques de l'exploitation seigneuriale.
En fait, pendant un demi-siècle, l'agriculture russe va être un théâtre où s'affronteront trois partenaires principaux : le paysan pauvre et quelquefois le paysan moyen, le koulak et le propriétaire foncier, le pomescik.
Il naîtra en fait trois agricultures qui auront entre elles des liens d'une extraordinaire complexité. L'agriculture koulak se développera en partie contre l'agriculture seigneuriale, en partie avec son aide. L'agriculture seigneuriale résistera en partie malgré les assauts de l'agriculture koulak, en partie grâce à son existence. Seule l'agriculture de la paysannerie pauvre sera la victime "de principe" des deux autres agricultures.
La période suivant l'abolition du servage connaîtra deux crises :
-une crise permanente du système social de l'agriculture (la différenciation) : les nobles vendent leurs terres (de 73 millions de déciatines après la Réforme à 44,5 millions de déciatines en 1905), les nobles louent leurs terres, ce qui freine l'essor de l'élément le plus dynamique de l'agriculture, la paysannerie koulak.
-et une crise spécifique de la paysannerie pauvre, qui a nom "la faim de terres".
Ces deux crises parviendront ensemble à maturation aux environs de 1.905 et entraîneront une refonte importante des rapports sociaux agraires.
Vers 1905, la question de la commune agraire a profondément "évolué par rapport à 1861. Sur le plan technique, il faut dire que dans un contexte où l'agriculture commence à se moderniser, la commune agraire devient un frein important au développement en raison de sa fonction de redistribution périodique des terres qui conduit à l'instabilité des exploitations paysannes qui engendre un morcellement infini des parcelles qui fige la technique agricole dans le système triennal obligatoire. En 1893, une loi a limité la redistribution mais ne l'a pas supprimée.
Pour la paysannerie pauvre, les aspects négatifs de la commune l'emportent sur ses aspects positifs. Elle devient pour elle essentiellement un appareil de coercition politique et administratif. Elle aide le fisc et elle limite la mobilité du déplacement du paysan. Enfin, la commune gêne le koulak qui est obligé de prendre des chemins tortueux pour accroître son emprise sur la terre. Vers 1905, le capitalisme agraire, qui a pu se développer jusque là dans le cadre de la commune, se sent à l'étroit dans le vêtement communal. Il a besoin d'une structure foncière simplifiée qui abolisse les multiples catégories de terres héritées de la période du servage, qui permette le remembrement librement, qui le libère des techniques archaïques, et qui, surtout, supprime les dernières entraves à l'acquisition de terres. On relève en effet un grand nombre de catégories de terres : les terres en propriété, les terres en pleine propriété, les terres de la Couronne, celles des apanages, les terres de la Couronne avec possession communale, les terres de la Couronne avec quart de possession, les terres des colons, les terres des détenteurs gratuits, les terres des paysans exempts de redevances, etc.
Le problème fondamental reste le problème de la terre. La "faim de terres" est partagée par toute la paysannerie. Dans les conditions politiques et sociales à la veille de la première révolution russe, elle oppose non pas une couche de la paysannerie à une autre couche, mais l'ensemble de la paysannerie a l'ensemble de la grande propriété foncière. C'est l'exigence d'un nouveau partage des terres que pose la paysannerie, mais d'un partage effectué cette fois en sa faveur.
Cette exigence s'exprime politiquement a travers le mot d'ordre des socialistes-révolutionnaires, héritiers des populistes, qui ont constitué le premier parti politique paysan russe. Ce mot d'ordre est celui de la nationalisation du sol. Il est appuyé par les sociaux-démocrates, non parce qu'il correspondait à leur "socialisme paysan" mais parce qu'il exprimait pour les bolcheviks, et Lénine en particulier, la voie radicale de l'élimination des vestiges agraires du Moyen-Aqe et de la grande propriété foncière. Le succès de cette revendication paysanne, puisqu'elle exige à la fois la disparition de la commune et celle de la propriété seigneuriale, est lié au sort de la révolution de 1905.
Depuis 1900, l'agitation paysanne est presque continue. En 1902, le gouvernement réunit une conférence spéciale sur les besoins de l'agriculture. Avec la montée de la révolution, on envisage certaines concessions à la paysannerie. Le parti K.D. qui représente la grande bourgeoisie propose une aliénation partielle (forcée) de la terre seigneuriale.
En été 1906, la moitié de la Russie d'Europe connaît des troubles paysans (quelques 1900). Mais le reflux révolutionnaire intervient et, dès l'été 1907, le gouvernement passe à la contre-offensive décisive. Pendant que les débats sur le problème agraire se poursuivent à la Douma, le gouvernement prépare ce qu'on appelle la réforme Stolipine qu'il appliquera lorsque les derniers soubresauts de la révolution auront eu lieu et que la Douma aura été dissoute.
La réforme de Stolypine
Elle peut être résumée ainsi. L'ukaze du 9 novembre 1906 divise les communes en deux groupes : celles qui n'assuraient pas la redistribution périodique des terres et celles qui l'assuraient. Dans le premier groupe, la propriété privée du lot paysan est proclamée. Dans le groupe des communes redistributrices, chaque foyer peut demander à tout moment que soit reconnue la propriété personnelle sur le lot. Le passage à la propriété personnelle devient obligatoire lorsqu'il est demandé par un cinquième des foyers. Les paysans riches reçoivent le droit d'acheter les lots de la paysannerie pauvre pour pouvoir arrondir leur lot et pouvoir le concentrer au même endroit.
La réforme s'accompagne, par conséquent,
d'une opération de remembrement. De 1905 à 1915, 2.500.000 paysans
possédant 17 millions de déciatines de terre se retireront de
la commune, soit à peu près le quart de la paysannerie.
- fond de terres destinées à la vente et les avantages du crédit.
- politique de migration vers les terres vierges de la Sibérie et de
l'Asie.
Signification économique et politique de cette réforme ?
Elle ne peut s'apprécier que dans le contexte de la révolution de 1905. Il est manifeste, dans ce contexte, que la réforme de Stolypine constitue la dernière tentative de sauver l'agriculture seigneuriale et la première tentative politique importante de compromis entre cette agriculture et le capitalisme agraire. Ce compromis se traduit par le fait que les entraves apportées par le régime communal aux transactions sur les terres sont maintenant supprimées, que la voie du remembrement est ouverte, que la liberté de déplacement paysanne s'accroît de manière importante. De ce point de vue, la réforme Stolypine constitue certes un événement considérable.
Sur un point essentiel toutefois, la réforme de Stolypine ne rompt pas avec le passé mais lui reste fidèle. C'est lorsqu'elle renonce à tout projet de partage de la propriété seigneuriale, même aux propositions portant fort modérées du parti K.D. Ainsi, est sauvegardé un système où le recul de la grande propriété seigneuriale doit se faire progressivement par voie de ventes de terres a des prix qui représentent pour la noblesse une notable plus-value foncière. La vente de la terre constituait pour la noblesse une méthode de capitalisation de sa rente, mais elle immobilisait des centaines de millions de roubles de capital russe qui, autrement, auraient pu être consacrés au développement. Cette consécration de la politique du passé qui consistait à préserver une noblesse parasitaire est la conséquence de la défaite politique des paysans et des ouvriers dans la révolution de 1905.